Ecriture inclusive : un débat sans fin ?




Point médian, féminisation des mots, accord selon la règle de proximité, l’écriture inclusive peut sembler compliquée et assez aléatoire. Comme pour tout changement, elle attire les foudres de certain·e·s et les éloges d’autres. Mais concrètement, que lui reproche-t-on ? Et a-t-elle réellement un avenir ?

Mars 2021 ◊  Par Shirine lire, inclusivité


Le débat autour d’une écriture plus féminisée, et donc plus inclusive, existe depuis plus longtemps qu’on ne le pense. Déjà en 1899, Hubertine Auclert, féministe française et militante pour le droit de vote, déclarait : « L’omission du féminin dans le dictionnaire contribue, plus qu’on le croit, à l’omission du féminin dans le code (côté des droits). L’émancipation par le langage ne doit pas être dédaignée. N’est-ce pas à force de prononcer certains mots qu’on finit par en accepter le sens qui tout d’abord heurtait ? La féminisation de la langue est urgente, puisque pour exprimer la qualité que quelques droits conquis donnent à la femme, il n’y a pas de mots ».

Entre-temps, l’écriture inclusive a émergé et a commencé à se faire une place dans notre société moderne. En effet, la maison d’édition Hatier a sorti en 2017 un manuel d’histoire rédigé en écriture inclusive. La même année, le logiciel Microsoft Word a inclus un outil proposant des alternatives aux phrases considérées comme excluantes et stéréotypées. Du côté des médias, ceux-ci adoptent de plus en plus l’écriture inclusive pour leur communication sur les réseaux sociaux, voire même pour certains articles.


Mais concrètement, qu’est-ce que l’écriture inclusive ?

Contrairement à ce que l’on peut croire au premier abord, l’écriture inclusive ne se cantonne pas au point médian. Elle repose sur plusieurs principes :

  • Accorder les fonctions, métiers, grades et titres, en fonction du genre

Exemple : Madame la Gouverneure

  • Utiliser le féminin et le masculin quand on parle d’un groupe de personnes

Exemple : Les expertes et les experts

  • Utiliser l’accord de proximité, plutôt que le masculin qui l’emporte sur le féminin

Exemple : Les hommes et les femmes sont protégées

  • Éviter d’utiliser « Homme » pour parler des femmes et des hommes

Exemple : Les droits humains

Il est donc totalement possible d’écrire de manière inclusive, sans forcément utiliser le point médian. Vous trouverez d’autres exemples dans les illustrations réalisées par Camille à l’occasion de ce dossier.

Mais malgré tout, cette écriture ne fait pas l’unanimité. Au contraire, certains l’accusent de dénaturer la langue, voire même d’être excluante.


Ecriture inclusive ou exclusive ?

Il suffit de quelques recherches sur Internet pour se rendre compte que les arguments en faveur et en défaveur de l’écriture inclusive foisonnent. Ces dernières années, un tas d’articles sur le sujet ont vu le jour, même l’Académie Française a réagi à ce propos. Pour eux, cette écriture met la langue française en « péril mortel ».

Pourtant, contre toute attente, notre langue n’a pas toujours fonctionné avec le masculin qui l’emporte sur le féminin. Ce n’est qu’en 1647 que Claude Favre de Vaugelat, membre de l’Académie Française, a décrété que le masculin devait l’emporter car « c’est un genre plus noble ». La langue française était donc techniquement plus inclusive avant cet évènement.

De plus, l’affirmation selon laquelle le masculin serait l’équivalent d’un neutre n’est pas juste dans la pratique. En effet, il existe bel et bien une hiérarchie des genres dans notre langue car nous utilisons des termes génériques tels que « femme de ménage ». Si le masculin était neutre, le mot utilisé dans ce cas-ci serait plutôt « homme de ménage ».

La féminisation de la langue, et plus particulièrement des titres, semble également pertinente car, à l’heure actuelle, les femmes aussi ont accès au pouvoir et donc à des postes hauts placés. Des mots tels que gouverneure, cheffe ou encore agente sont totalement pertinents et utiles.

Mais l’opposition la plus marquée à l’écriture inclusive actuellement concerne plutôt le pan de l’apprentissage. En effet, à cause de l’utilisation du point médian, plusieurs experts pensent que cela compliquerait davantage l’apprentissage de l’écriture auprès des personnes atteintes de troubles « dys ». Cette écriture censée inclure plus de monde serait donc également excluante pour les personnes ayant des troubles de l’apprentissage.

A nouveau, il n’y a pas de réel consensus à ce sujet : tandis que certain·e·s pensent qu’il suffirait de prendre le pli et que cela deviendrait très vite naturel, d’autres insistent sur le fait qu’il s’agit d’une écriture qui n’est pas évidente pour beaucoup de monde. Dans le cas des dys, il serait alors peut-être préférable de ne pas utiliser le point médian mais plutôt de suivre les autres règles, notamment celle d’utiliser le féminin et le masculin pour parler d’un groupe de personnes.

Lorsque l’on voit tous les débats qu’elle produit mais également tous les problèmes qu’elle peut poser, il est également légitime de se demander si cela vaut le coup de « se compliquer la vie à ce point ». Pour ses détracteurs et détractrices, l’écriture inclusive est un faux combat et les féministes feraient mieux de s’occuper de problématiques plus concrètes.

Et très rapidement, on se retrouve à se poser la question de l’œuf et de la poule. Qu’est-ce qui arrive en premier ? Est-ce qu’une écriture plus inclusive permet une émancipation des femmes ou est-ce que l’émancipation des femmes permet une écriture plus inclusive ? Le débat n’est pas clos. En effet, il est difficile de déterminer par où il faudrait commencer pour réellement changer les choses.

Nous avons remarqué que les milieux les plus opposés à l'écriture inclusive sont également ceux qui réfutent l'idée qu'une émancipation féminine est nécessaire. Mais, à nouveau, rien ne nous permet d'affirmer à 100% que l'écriture inclusive changerait cela.


Ce qui est sûr, c’est que l’écriture inclusive permet d’ouvrir le débat, d’échanger des idées et donc de provoquer des réalisations chez les un·e·s et les autres. Si elle ne met pas tout le monde d’accord, elle a tout de même le mérite d’exister et d’être utilisée par de plus en plus de personnes. Elle n’est clairement pas encore parfaite, on lui reproche d’ailleurs d’être trop binaire, mais elle propose tout de même une alternative aux personnes qui souhaitent parler et écrire de façon un peu plus inclusive. 

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