Émancipation économique : le double combat des femmes racisées


En 2022, on parle encore de l’émancipation des femmes ? Malheureusement oui ! L’émancipation se définit comme : “une action de s'affranchir d'un lien, d'une entrave, d'un état de dépendance, d'une domination, d'un préjugé.

Juillet 2022 ◊ Par Mélanie ◊ lire, dossier4

 
Les inégalités liées au genre sont structurelles et nombreuses. Pouvoir s’en émanciper reste donc encore et toujours un but à atteindre pour beaucoup d’entre nous. Déconstruire les préjugés sexistes, lutter contre les violences masculines, se battre pour plus de diversité et de représentativité dans toutes les sphères de la société, tous ces combats sont on ne peut plus d'actualité. Pour les femmes racisées, au croisement de plusieurs systèmes d'oppression, la double émancipation est inévitable : racisme et sexisme sont les deux faces d’un même combat.
Le “Féminisme Mainstream” aussi appelé “White Feminism” ou encore "Féminisme Universaliste” (1) a toujours fondé ses revendications sur l’émancipation économique des femmes avec comme but ultime de briser le plafond de verre qui existe pour celles-ci. L’objectif étant notamment d’accéder aux mêmes postes de travail que les hommes (cis) et d’abolir les différences salariales existantes entres hommes et femmes. Ceci, en oubliant souvent que pour certaines femmes et minorités de genre, il existe un double voir un triple plafond de verre qui s’ajoute au sexisme qu’iels subissent, rendant cette “ascension économique” extrêmement compliquée.

Quand on veut parler d’émancipation au sens large et plus particulièrement d’émancipation économique, il me semble donc important de prendre en compte la diversité des identités et des expériences auxquelles les femmes et minorités de genre font face.

*Féminisme occidental qui base son approche sur une vision unique des femmes (cis) et qui ne prends donc pas en compte les différents systèmes d'oppressions tels que racisme, validisme, islamophobie, transphobie,...

Les femmes, une majorité de minorités ?

Les femmes en tant que groupe social représentent 51 % de la population, soit une majorité numérique. Néanmoins, elle représente une minorité au sens sociologique du terme car elles ont une position non dominante dans toutes les sphères de la société.


Au niveau économique, l’écart se creuse entre femmes et hommes mais aussi entre femmes blanches et femmes racisées notamment à cause des discriminations à l’embauche et de l’accès au logement et au crédit. D’autres facteurs entrent également en compte comme la charge mentale engendrée par  le sexisme et le racisme dans l’environnement de travail, le déséquilibre dans la répartition des tâches domestiques (gestion des enfants, ménage, administratif, organisation familiale) et à la précarisation de l’emploi qui en résulte (les femmes étant plus contraintes à accepter des jobs à temps partiel pour pouvoir gérer les deux). Ce “double travail” est également un prétexte utilisé par de nombreux patrons pour proposer des contrats précaires ou ne pas engager des femmes à des postes à responsabilités.


Les statistiques ethniques étant interdites en Belgique, il est difficile d’obtenir des données chiffrées sur ce phénomène. Ces études pratiquées dans de nombreux pays, sont pourtant un moyen efficace de lutte contre les discriminations en permettant l’analyse d’un phénomène social de manière spécifique. En France par exemple, une campagne nationale de "testing" a été menée en 2020 par le gouvernement auprès de grandes entreprises afin de mettre en lumière la discrimnation à l’embauche auxquelles les personnes avec un nom à consonance maghrébine (2) font face. Le résultat est sans appel : les candidat.e.s avec un nom à consonance maghrébine ont à compétences et parcours égaux, près d'un tiers de chance en moins d'être rappelé.e.s par un.e recruteur.euse et ce, peu importe le métier.

Pour l’accès au logement, le constat est le même : les femmes racisées sont trop souvent victimes de discriminations quand il s’agit de louer ou d’acquérir un bien. Pour les femmes qui ont, en plus de cela, des enfants à charge, trouver un logement est un parcours de combattantE. Comme expliqué sur le site d’Action Logement (3) : “Sur le marché du logement, les inégalités économiques entre les hommes et les femmes sont évidentes : le capital (sous la forme de propriété des logements) est majoritairement détenu par les hommes tandis que les femmes sont majoritaires parmi les locataires. En schématisant, on peut dire que le capital des hommes se maintient ou croît par les loyers payés par les femmes.”

L’émancipation économique est donc pour beaucoup, une question de survie, bien plus qu’un “goal féministe à atteindre”. Pour aider les femmes à y parvenir, il existe des initiatives solidaires et inclusives comme Entreprenoires créée par Aurélie Mulowa, mais aussi Femmes fières et BeGreator créés par Leila Maidane. J’ai eu l’honneur de rencontrer ces deux femmes inspirantes. En attendant leur interview complète qui sera disponible prochainement sur le site de BXYZ , je vous laisse avec une courte présentation extraite de nos échanges :


Aurélie Mulowa : “Entreprenoire est un catalyseur d’opportunité, une plateforme de promotion de l’entreprenariat afrobelge féminin. Cette initiative répond au problème de sous-représentation des femmes noires en Belgique. Ces femmes sont sous-représentées alors qu’elles font vivre une partie de l’économie du pays et qu’elles ont de belles choses à proposer. Pour elles, c’est aussi l’occasion de se rencontrer et de collaborer. Entreprenoires c’est une newsletter, un compte Instagram, une page Facebook et un compte Linkedin mais également un site internet avec un marketplace rempli de produits et de services divers et variés.”


Leila Maidane : “Femmes Fières est une asbl dont l’objectif est de rendre l’entrepreneuriat accessible aux femmes. L'initiative est née de mes multiples rencontres avec des femmes incroyables qui avaient des compétences à tomber par terre mais manquaient de moyens pour y arriver. Be Greator est lui, un écosystème qui promeut des pratiques inclusives en matière d’accès à l’emploi. Le cœur de la mission de BeGreator c’est de permettre à chacun.e de prendre sa place. Comment on oriente ça ? En développant des solutions innovantes à destination des talents et des entreprises pour faciliter la transition entre l’éducation et l’emploi.”



© Cliff Booth

(1)
Féminisme occidental qui base son approche sur une vision unique des femmes (cis) et qui ne prends donc pas en compte les différents systèmes d'oppressions tels que racisme, validisme, islamophobie, transphobie,...


(2)
Cette étude ciblait exclusivement les discriminations à l’embauche auxquelles les personnes d’origine maghrébine font face. Ceux-ci représentant actuellement, le maillon le plus discriminé en France. Notons tout de même que les personnes racisées ayant des origines provenant d'Afrique subsaharienne ou d'Asie, sont également hautement discriminées sur le marché de l’emploi.
Source :  Baromètre de la perception des discriminations dans l’emploi réalisé par le Défenseur des droits et l’Organisation internationale du travail (OIT)


(3)
Action Logement est un groupe de militant.e.s actif.ve.s dans les luttes pour le droit au logement à Bruxelles qui s’est constitué au début du confinement lié à la pandémie de COVID 19.



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