Le consentement

En octobre 2019, Amnesty International et SOS Viol dans le cadre de la campagne Amnesty Jeunes sur la notion du consentement sexuel, ont réalisé un sondage sur le comportement de la population belge en matière de violences sexuelles.

Mars 2021 ◊ Par Victoria lire, entretien, consentement


Temps de lecture : 6 minutes
Les chiffres sont édifiants des stéréotypes encore beaucoup trop présents chez les jeunes en Belgique :   


23% 
des jeunes pensent que les femmes aiment être forcées, que la violence est sexuellement excitante pour elles   


1/3  
des jeunes pensent que si on ne dit pas non explicitement ce n’est pas un viol 



1/4 
des jeunes pensent que ne pas être sûr·e de ce que l'on veut, cela veut dire être d’accord



23% 
des femmes ont subi des relations sexuelles forcées par leur partenaire


Connaissez-vous La convention d’Istanbul ?


C’est un traité international du Conseil de l’Europe sur la prévention et la lutte contre la violence à l’égard des femmes et la violence domestique. Comme nous l’explique Dominique Deshayes, coordinatrice de la section pour les  droits des femmes chez Amnesty International : « S’il a fallu faire une convention c’est qu’il y avait des violences ». La convention a été adoptée le 7 avril 2011, et la Belgique l’a ratifiée en 2016, au moment de la formation du nouveau gouvernement. La convention prévoit des organismes de contrôle pour vérifier sa bonne mise en œuvre.

En février 2019, la coalition « Ensemble contre les violences » - dont Amnesty International Belgique est membre - a publié une évaluation de la mise en œuvre de la Convention du Conseil de l’Europe en Belgique. Qu’ont constaté les organisations de terrain ? Rien de bien glorieux…

En effet, en huitième page du rapport, ils constatent que « malgré la ratification de la Convention d’Istanbul en 2016, la Belgique ne respecte pas de manière optimale ses obligations en matière de lutte contre les violences faites aux femmes et ne semble pas dégager l’ensemble des mesures nécessaires pour y parvenir ».

La convention d’Istanbul prévoit des Centres de Prévention pour les Violences Sexuelles (CPVS). « Les CPVS sont des centres qui existent dans trois hôpitaux en Belgique : à Bruxelles, à Gand et à Liège » détaille Dominique Deshayes. « On en a trois aujourd’hui. On nous en a promis dix au total, un par région. Ils centralisent tous les points nécessaires en cas de viol ou de violence. Au CPVS, tu ne vas pas devoir raconter quinze fois ton histoire à quelqu’un. On évite ainsi la victimisation secondaire : tu as été violée une fois, tu n’as pas besoin que l’on te pose dix fois la même question. On ne va pas te demander si tu avais bu, si tu portais un décolleté, ou pourquoi tu sortais seule d’un bar. On ne va te poser aucunes de ces questions qui sont issues de la culture du viol. Donc sur place tu vas trouver un·e gynécologue, un·e infirmièr·e légiste, un·e psychologue, un·e assistant·e social, ainsi que des policiers et des policières bénévoles qui ont été formé·e·s à poser les bonnes questions et à surtout ne pas poser les mauvaises questions. Il est très intéressant de noter que l’on a chiffré que 70% des plaintes ont été déposées au CPVS, alors qu’en temps normal pour le viol, auprès de la police, il y a très peu de plaintes déposées. L’environnement étant plus sécurisant que dans celui d'un commissariat. Ce qui veut dire que quand les femmes sont bien accueillies et entourées, cela se passe beaucoup mieux ».

Car aujourd’hui encore, trop de stéréotypes et de mythes entourent le viol.

Nous sommes dans une société baignée par la culture du viol.

Faisons un petit rappel sur sa définition : c’est une expression qui désigne le système de pensée omniprésent dans notre société permettant d’expliquer, de banaliser, d’excuser voire d’encourager le viol. Typiquement, pour donner des exemples concrets, comme le dit Dominique Deshayes, « il est considéré comme normal de violer une fille qui est habillée de façon légère, qui se promenait seule, qui avait bu, qui s’était droguée, ou qui avait une attitude un peu aguichante. Notre sondage révèle qu’une grosse part des jeunes garçons pensent que si la fille ne dit pas non, cela fait partie du jeu. Si elle cède à la fin, c’est que finalement elle voulait bien. Tant que l’on n’a pas forcé physiquement, c’est qu’elle était d’accord. Et que les femmes aiment ces violences, et être forcées. Non seulement elles l’ont bien cherchées, mais en plus elles aiment ça. La culture du viol c’est penser que les garçons ont des pulsions et des besoins physiologiques et que les femmes non. Ce n’est donc pas de la faute des garçons, et il faut vivre avec ça. Ce sont des stéréotypes contre lesquels ont doit lutter. ».

Je consens. Tu consens. Nous consentons.

Quand c’est oui c’est oui, quand c’est non c’est non.

Pour faire passer ce message, Amnesty International Belgique, dans le cadre de la campagne #JDIWI, a fait appel à GuiHome et Abdel en vrai, youtubeurs, tous deux ayant une audience majoritairement jeune.



« Dans la notion de consentement, ce qu’il faut comprendre c’est que l’on peut dire non jusqu’au bout. On donne toujours cette image de la tasse de thé. Tu vas chez une copine qui t’invite chez elle, elle te propose une tasse de thé. Tu vas dire oui, mais à la dernière minute tu vas dire que tu n’en as plus très envie. Ta copine ne va ni te demander pourquoi, ni te forcer à en prendre, ni te violenter. Le consentement c’est ça. Le consentement, c’est un ensemble de regards, de mots, de gestes qui montrent que tu n’es pas opposé à ça. La personne a le droit de dire non jusqu’à la dernière seconde. Et ce n’est pas pour autant une allumeuse. Elle peut avoir cru qu’elle avait envie, mais finalement cette personne n’a plus envie, ou n’a pas envie de tel acte. Elle peut aussi consentir à un acte, avec tel genre de procédé, mais pas à ce procédé-là ».

Et en couple alors ?

Comme le rappelle Dominique Deshayes : « Le mythe de « devoir conjugal » n’a aucune valeur légale en Belgique, il a pour conséquence de nier l’existence du viol conjugal, qui est interdit par la loi depuis 1989. Le viol est un crime grave puni par la loi, même en couple ! ».

La Belgique est un des rares pays où le viol conjugal est juridiquement reconnu comme un viol (Il est toujours bon de noter les choses positives qui sont faites dans notre pays). Mais le problème, dans la réalité, comme l’explique la coordinatrice d’Amnesty, c’est que « Les jeunes pensent que quand on est en couple ou marié à une personne, il est normal de consentir. Pourtant non, il n’y a aucune différence. Les jeunes pensent que quand on est couple on doit forcément dire oui. Il faut absolument comprendre que quelque soit son partenaire, qu’il soit fixe ou de passage, on a toujours le droit de ne pas consentir ».

Et maintenant... Que faire ?

Dominique Deshayes demande à « mieux former nos acteurs et actrices de terrain, et à mieux prendre en charge les victimes ».

Pour Dominique Deshayes, il faut cibler les enfants. Il existe en Belgique, l’EVRAS (Éducation à la Vie Relationnelle, Affective et Sexuelle à l’École) qui dépend de la Fédération Wallonie Bruxelles. Mais pour Dominique Deshayes, les heures accordées aux cours d'éducation sexuelle ne sont pas assez conséquentes : « Actuellement, les enfants du primaire ont accès à deux heures de cours d’éducation sexuelle sur tout leur cycle. Durant ces deux heures, on n’a le temps que d’insister sur les choses les plus importantes à savoir le préservatif, le sida, les MST,... ».

De plus, il manque en Belgique une collecte des données genrées imposées par la convention d’Istanbul : « Si vous me demandiez un chiffre précis sur le nombre de violences qu’il y a eu chez les femmes et les hommes hier, aujourd’hui je ne pourrais pas vous le dire car ce chiffre n’existe pas. Alors que cela est extrêmement important. », ajoute la militante.

Si vous voulez agir, vous pouvez signer la pétition organisée par Amnesty International. Amnesty International et SOS Viol ont adressé une lettre à l’attention du premier ministre belge, Alexandre De Croo, et aux ministres-Présidents des entités fédérées. Ils appellent les autorités à protéger la population, et en particulier les filles et les femmes, contre le viol et les violences sexuelles. Si vous avez déjà signé, et que vous souhaitez aider Amnesty International à poursuivre le travail contre les violences sexuelles en Belgique, vous pouvez également faire un don en suivant ce lien.

Si vous êtes victime de viol ou de violences ou que vous connaissez une personne de votre entourage victime de viol ou de violences, voici une liste de numéros à toujours garder sur soi et de lieux où se rendre.


Ligne d’écoute gratuite SOS Viol : 0800 98 100


Ligne d’écoute gratuite violences conjugales : 0800 30 0 30


Centre de Prise en charge des Violences Sexuelles (CPVS) de Bruxelles qui reste accessible 7j/7 24h/24 malgré la crise sanitaire : 02/535.45.42. CHU Saint-Pierre 320 Rue Haute – 1000 Bruxelles.


Centre(s) de Prise en charge des Violences Sexuelles (CPVS) de Liège: 04/367.93.11. Rue de Gaillarmont 600 à 4032 Chênée


ZSG Gent : 09/332.80.80. UZ Gent, C. Heymanslaan 10, 9000 Gent

Pour aller plus loin :

Noter le rôle positif de l’ASBL Praxis qui aide les auteur·e·s de violences conjugales et intrafamiliales. Il est en effet important de comprendre qui sont les auteur·e·s de violences conjugales.
Je vous invite, pour aller plus loin sur le sujet, à visionner le documentaire réalisé par Marie-Chistine Gambart : « La Maison des hommes violents ».



©Amnesty International Wavre/Ville de Wavre


Exclu : la pièce de théâtre « Un fait divers » sera diffusée en streaming le dimanche 14 mars.

Plongez-vous dans l’exposition « Que portais-tu ce jour-là ».

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