Le language à travers l’art

 
©Vincent Nzau Lebubura

Metteuse en scène, comédienne, photographe, performeuse, musicienne, Elisabeth Woronoff est une artiste multidisciplinaire. Elle décrit sa démarche artistique comme étant « à l’intersection des arts de la scène, des arts visuels et plastiques et de la musique. » Elle s'intéresse à tout et à tout le monde sans jugement.

Elle aborde de nombreux sujets à travers ses projets artistiques. BXYZ l’a rencontré pour discuter de féminisme, du Brexit, de documentaire, le tout lié au langage et à la parole.

Mars 2021 ◊ lire, entretien, culture, dossier#2 ◊ Par Cassandre Lecture : 4 minutes

Quel projet artistique t’a apporté une grande fierté durant ta carrière ?

Difficile à dire car je suis fière de tout ce que j’ai réalisé. Si je devais vraiment choisir, je parlerais de mon spectacle SKRIK, que je mets en scène. Entre fiction et documentaire, SKRIK (Le Cri en norvégien) traite de la mémoire post-traumatique, amnésie qui résulte d’un choc tel qu’un viol. Le spectacle parle précisément de viol incestueux. Des années après, la mémoire de la victime se réveille et tous ses souvenirs insoutenables refont surface. Et maintenant il faut vivre avec en mettant des mots justes sur ce qui s’est passé durant l’enfance. Le personnage de la fille, en racontant sa version de l’histoire, récupère son identité et redevient le sujet, car souvent lors d’un viol le criminel devient le sujet et la victime l’objet. C’est en racontant l’histoire qu’on redevient le sujet.

Les représentations auront lieu la saison prochaine au Théâtre National Wallonie-Bruxelles, à l’Ancre à Charleroi et au Théâtre Paul Eluard à Choisy-le-Roi. Les répétitions ont déjà commencé, on attend plus qu’une chose ; le public, pour pouvoir faire vivre le spectacle.

Est-ce difficile d’être metteuse en scène dans le milieu théâtral, qui est un milieu majoritairement masculin ?

Je n'ai pas l'impression d’avoir été freinée par le fait d’être une femme. Je sais que c’est le cas pour beaucoup de femmes, mais moi je n’ai jamais ressenti ça.

Si je réfléchis, peut-être que j’ai ressenti cela mais dans mon inconscient et non pas parce que des gens me faisaient me sentir inférieure. Au début, je voulais uniquement être actrice. Lors d’un projet au conservatoire de Liège, nous devions tous mettre en scène un spectacle. Et c’est à cet instant qu’une porte s’est ouverte en moi et que je me suis sentie légitime de le faire. Au Conservatoire j’ai rencontré plusieurs femmes metteuses en scène qui m’ont influencée et qui m’ont permis de rêver à ce métier.

Peux-tu nous parler d’un de tes projets artistiques qui selon toi allie féminisme et prise de parole/langage ?

La fois la plus forte où j’ai ressenti cela, c’était pendant la performance de Take My Milk. Cette performance était sans paroles et tournait autour de la réflexion de la figure maternelle et du cancer du sein. J’ai créé une robe « The MILKDRESS », remplie de lait au niveau de la poitrine et je suis allée dans une rue connue d’Anvers pour donner aux gens mon lait. En réalisant cette performance j’ai allié tous mes moyens d’expression en une forme et je me sentais très libre puisque rien n’était écrit. Je me suis affirmée en passant par les non-mots.

J’ai également travaillé lors d’une résidence aux Musées Royaux des Beaux-Arts sur l’artiste Hannah Höch et le mouvement Dada. C’est la première fois que j’ai découvert en profondeur l’art de la performance et que je me suis vraiment trouvée dans ce mouvement.
Hannah Höch est une initiatrice du photocollage du XXe siècle. Elle a voulu casser les frontières entre l’homme et la femme. Elle osait utiliser tous les matériaux y compris les moins nobles : papiers, cartons, journaux.

Elle collait la tête d’hommes politiques sur des corps de danseuses, elle voulait casser les codes de la société actuelle. Cette femme m’a inspirée en rendant les barrières de ce monde floues et tranchantes.

Quels sont les avantages que tes projets artistiques te donnent pour faire véhiculer des messages ?

Il n'y a pas de règles dans l’art. On peut tout dire du moment que cela reste éthique, et la seule personne qui peut nous empêcher de dire quelque chose c'est nous-même ou la peur du jugement.  C’est une force de savoir qu’on est maître d’oser ou de se mettre en retrait.

As-tu des projets artistiques futurs (ou en cours) qui te permettront d’exprimer davantage ta façon de penser ?

Hurrah, Keep Art a-Live. C'est un projet que j’ai créé pendant le début de la crise Covid. C’est une période difficile pour la culture et ma manière de l’exprimer se fait à travers la performance. J’ai donc créé une énorme femme, en bandages et tissus, qui s’appelle Hurrah. Hurrah est la géante des arts-vivants, qui les protège et qui se bat pour que les arts restent vivants. Avec les collaborateurs du projet, nous sommes sortis dans la rue avec cette énorme figure. On a traversé la gare du Midi, puis on s’est fait arrêter alors on est allés place Sainte-Catherine, à la Bourse, au Mont des Arts… Le week-end du 13 mars, nous l’avons installée dans la Grande Salle du Théâtre National lors de la manifestation Still Standing for Cuture.

Grâce à ce projet on a eu la bourse Un Futur pour la Culture. Et on continuera de sortir avec cette femme géante lors des manifestations pour soutenir la culture !

Safe Now. Je suis en train de créer un site sur la mémoire post-traumatique afin de recenser les informations et les diverses sources de soutien aux victimes. On a voulu lever ce tabou autour du viol et faire passer un message d’empowerment. On veut vulgariser l’information sur ces mémoires traumatiques, informer le public et rendre la chose plus accessible à tous et surtout à la jeunesse.

Pour finir, je pourrais parler de Londinium. C’est une performance/documentaire en cours de production. Ici j’ai voulu rendre hommage à Londres en parlant de la rupture du Brexit.

On pourra retrouver 3 pièces de courtes durées performances-installations qui, à chaque fois, mettront en avant la perte et/ou la rupture. Le spectacle est prévu pour le printemps 2022 au Café Congo dans le Studio Citygate à Anderlecht.

Si vous voulez découvrir plus en détails les travaux d’Elisabeth ou simplement la contacter, n’hésitez pas à vous rendre sur son site internet.

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