Martin.e et sa bassine
Au travers d’un objet, iels vous raconte leur éveil féministe
Janvier 2021 ◊ lire, objet, opinion ◊ Par Martin
Janvier 2021 ◊ lire, objet, opinion ◊ Par Martin
Juillet 2011, je suis au Sénégal pour la première fois dans le cadre d’une rencontre interculturelle avec Asmae. Nous sommes huit Belges en quête de découvertes, de rencontres et d’échanges. Nous sommes immédiatement mis à l’aise et les liens se tissent.
Notre groupe est sur place depuis un peu plus d’une semaine, tout va bien, nous commençons même à y avoir nos petites habitudes. Après les activités du matin, le repas de midi puis la sieste à l’ombre du manguier. Ce jour-là, après la sieste, je décide de faire ma première lessive. Je récupère deux bassines, je les remplis d’eau. Pendant que mes vêtements trempent, je vais chercher mon savon. Et là, quand je reviens, surprise ! Deux sénégalaises sont occupées à nettoyer mon linge sale.
Petit instant de solitude suivi d’un long moment de discussions et d’explications. D’un côté, la position selon laquelle l’invité que je suis ne devrait pas laver ses vêtements lui-même. De l’autre, l’intime conviction que chacun est responsable de ses affaires. D’où qu’ils viennent. Plus encore s’il s’agit de mes vêtements sales. Après de longues négociations, un compromis est trouvé. Compromis scellé entre les deux filles et moi mais surtout avec l’ensemble du groupe sénégalais. Je suis donc autorisé à prendre part à la lessive de mon linge.
Au fil des ans, j’ai eu la chance de me pencher à de multiples reprises sur cet incident critique. Dix ans plus tard, j’en tire encore des enseignements. J’avais une connaissance froide de la répartition genrée des rôles dans nos société, mais j’avais toutes les peines du monde à amener des arguments et des explications pour m’opposer à cette répartition. Dans ce récit, l’injustice subie par les femmes est suffisamment visible pour que toute personne de bonne foi puisse l’admettre. Mais, il est clair, autant au Sénégal qu’en Belgique, que les injustices les plus souvent vécues par les femmes sont aussi les plus invisibles (ou que l’on se refuse de voir ?). Depuis, je prête une attention particulière à tout ce qui ne se voit plus parce que considéré comme naturel et dont la remise en question semble impossible aux yeux de certain.e.s.
Notre groupe est sur place depuis un peu plus d’une semaine, tout va bien, nous commençons même à y avoir nos petites habitudes. Après les activités du matin, le repas de midi puis la sieste à l’ombre du manguier. Ce jour-là, après la sieste, je décide de faire ma première lessive. Je récupère deux bassines, je les remplis d’eau. Pendant que mes vêtements trempent, je vais chercher mon savon. Et là, quand je reviens, surprise ! Deux sénégalaises sont occupées à nettoyer mon linge sale.
Petit instant de solitude suivi d’un long moment de discussions et d’explications. D’un côté, la position selon laquelle l’invité que je suis ne devrait pas laver ses vêtements lui-même. De l’autre, l’intime conviction que chacun est responsable de ses affaires. D’où qu’ils viennent. Plus encore s’il s’agit de mes vêtements sales. Après de longues négociations, un compromis est trouvé. Compromis scellé entre les deux filles et moi mais surtout avec l’ensemble du groupe sénégalais. Je suis donc autorisé à prendre part à la lessive de mon linge.
Au fil des ans, j’ai eu la chance de me pencher à de multiples reprises sur cet incident critique. Dix ans plus tard, j’en tire encore des enseignements. J’avais une connaissance froide de la répartition genrée des rôles dans nos société, mais j’avais toutes les peines du monde à amener des arguments et des explications pour m’opposer à cette répartition. Dans ce récit, l’injustice subie par les femmes est suffisamment visible pour que toute personne de bonne foi puisse l’admettre. Mais, il est clair, autant au Sénégal qu’en Belgique, que les injustices les plus souvent vécues par les femmes sont aussi les plus invisibles (ou que l’on se refuse de voir ?). Depuis, je prête une attention particulière à tout ce qui ne se voit plus parce que considéré comme naturel et dont la remise en question semble impossible aux yeux de certain.e.s.